Expérimentation

La terre tourne drôlement tandis que nous nous exécutons incognito. La guerre et l’amour prennent forme à tour de rôle à travers le globe pendant que nous léchons frénétiquement les notes aux ambiances de cristal.

Une pause entre deux tracks pour écouter où nous en sommes. L'édifice chansonnière prend forme sous nos yeux. Nous nous extasions devant ce brin de création.Il pourrait y avoir leçon à tirer; une ode au miracle à décortiquer; un monde entier à rebâtir: il n'en est rien. Nous nous exaltons par simple et pur plaisir, sans prétention ni ultime désir.

La piste se termine dans un déluge de silences incertains. La vie se détaille dans un réfrigérateur qui ronronne, un chien qui croque sa croquette, dans le crépitement de nos clopes. Nous avons bien travaillé et nous nous apprêtons à savourer le dessert avant la tombée du rideau sur le jour.

Une voix cocasse, longue comme la vie de mille hommes plaintifs profondément assoupis dans les méandres d'une méditation singulière, s'attache aux croustillantes vibrations d'un synthé atmosphérique. Nul besoin de dire mot pour raccorder nos esprits puisqu'ils le sont, dans un vaste et sous-jacent territoire commun, un tréfonds d'instincts liés dans le confort intime de notre familiarité. C'est l'avantage des longues dates; des coup sur coup de l'habitude; dans la nuance de savoir l'autre, d'être fusion immémoriale.

Nous enclenchons nonchalamment l'enregistrement improvisé, explorateurs invétérés de rien du tout, à la recherche de quelque part où aller, les pieds dans le noir à marcher sur des clous. Des échantillons fluides s'agglomèrent sauvagement et nous relions les points à la vitesse d'un soleil qui explose. La conclusion nous importe peu puisque le présent nous enchante déjà. Infidèles aux règles stylistiques de l'art, on souille l'espace d'arcs-en-ciel lancinants, exacerbant un je-m'en-foutisme assumé comme un sceptre à la gueule des puristes. Ils détesteront nos élégies cosmiques qu'on assène avec la conviction d'un coup de poing. Nous mordons arbitrairement les jarrets de ces iconoclastes bien-pensants, non pas par réprimande à leurs agressions, mais par simple curiosité de voir réactions.

Nous muons l’ordinaire en un indomptable animal, enfiévrés par une force amicale aux explorations artisanales. Déflorer le jardin des cigales nous mène aux portes de la fatigue. Nos destins tressés d'inconscience sont fils de pantin que l'invisible s'amuse à gouverner au creux de sa main.

Dans un chaos grognant et strident, le phénix meurt dans ses cendres. Nous nous évanouissons excédés jusqu'à retrouver un autre jour à pourfendre.

Le Mick d'Amérique reprend du service

Le feu de mes abysses est apparu comme volcan impromptu: mes viscères, honnêtement, je vous livrerai. Des jardins intemporels ont pris naissance en ma psyché : je vous emporterai dans mes voyages singuliers. Mes rêveries se sont mutées en symphonies éthérées : de cordes, d’ivoire et de peaux de tambours je vous enivrerai. Des personnages mystiques aux quatre coins de l’univers j’ai rencontré : avec le plus grand plaisir je vous les présenterai. Je m’exalterai dans l’art comme je sais si bien le faire : talent ou pas, ça sera à vous de voir, mais je vais m’amuser. Nous allons nous amuser. Je peux vous en assurer.

 

Je rouspèterai aux donneurs d’ordres, briserai un peu plus les normes et réveillerai ceux qui dorment : la fête ne fait que commencer. Préparez-vous à vous éclater, à vous esclaffer, à vous exclamer, à vous exalter.

 

Cette longue pause m’a fait le plus grand bien : j’ai dormi, lu, joué, voyagé et bien manger. J’ai tellement de choses à vous raconter. Si vous saviez!

Le chant des oiseaux

Des pléthores d’instants suspendus, lorsque les rires éclatent l’aurore, et cambrent l’ambiance en voluptés satinées. L’étincelle déliée d’une idée scintillante embrase l’histoire comme la fougue de celui qui la raconte. L'existence bruyante matraque les toits de tôle, exagérément ivre et peuplée de pantins blafards, les trop bavards ayant trop bu. Brisant la cohue en créant leur propre espace, deux inconnus apprennent à se connaître, remontant des fils d’étoiles décousus, causant jusqu’en lever les voiles. La nuit stroboscope les enveloppe, confortant le désir criant de l’élan naturel, les laissant à eux-mêmes jusqu’à la caresse pastel d’un soleil. Les corps sont d’autant plus faciles lorsque sans gêne – délestés de l’égo et des forges du passé –, mais ils se cachent pour mieux briller en terre sombre : ils craignent l’ombre de la vérité.

C’est une histoire d’humanité que de persécuter les amours sans convenances, que d’opprimer sa propre beauté. Les amants savants échappent aux foudres, et savent se protéger en s’étreignant de secrets : c’est le chant de l’oiseau qu’on entend, mais qu’on ne voit jamais.

Le mouvement des corps célestes

L’ultime contemplation est blanche, sur la page. Des histoires ne demandent qu’à naître du souffle originel. Divin parmi les dieux, Orphée est l’instigateur des cadences. Il se déhanche et provoque, à lui seul, l’essence de la mécanique du cosmos : le mouvement. L’inspiration est tout ce qu’attend la matière pour prendre vie. Sans l’élan du cœur – la volonté –, c’est dans l’immobilisme le plus déplorable que l’existence se fige, ne laissant qu’une grande toile immaculée, jardin des plénitudes, terreau du vide et de l’espace : rien pour faire danser les univers.

Par chance, il y a lui, le grand maestro chargé d’électriques extases, qui fouille, tourne et retourne chaque pierre de l’Olympe, à la recherche de fines mélodies éparpillées, pillées par le rythme. Il est ce volcan qui engrange tous les amours, les peines et les misères, celui qui laisse mijoter le magma, passion brûlant les âmes, au chaud, bouillant en son sein. L’haleine fumante, c’est le vertige du trop-plein qui piétine son esprit. Il devra trouver raison à sa folie, avant que la folie ait raison de lui. Heureusement, les miracles mystiques sont l’apanage des fous de génie, et ne sont jamais bien loin, cachés derrière les portes secrètement verrouillées : ne lui reste plus qu’à trouver les clés.

Quatre oréades urbaines lui insufflèrent sa délivrance, tournoyant dans un cliquetis de vagues dorées, embellissant ses yeux de doux regards miellés. Un éveil inopiné qui allait se muter en déferlante symphonique, en une lyre pour chacune d’entre elles. Rugissant tout ce qu’il avait de plus beau et de plus vrai, il s’étala en kilomètres sur le papier, emporté par la portée. Il accrocha noires, blanches, croches et quadruples croches, aliéné à ses muses de musique, mâchant des galaxies au passage, soufflé par l’instinct et propulsé d’instants. Les mains noircies lorsqu’il eut fini, un an l’avait vieilli, et elles, ses anges, étaient là, toujours là.

Ces cordes universelles qu’il avait tressées, parfaits filons d’émotions à émouvoir, retournèrent aux nébuleuses, fleuve d’air pur pour enfumer la nuit. C’est ainsi qu’un lundi, il s’éleva enluminé de projecteurs, déposant des caresses harmoniques sur chacune de ses fées à cordes. Le mélodiste marionnettiste bienveillant, lui-même marionnette d’un dessein plus grand, creusa des rivières dans nos psychés, et il s’apprêtait à y verser ses flots. L’assistance retint son souffle, puis vint l’avènement : le premier mouvement des corps célestes.