Le mouvement des corps célestes

L’ultime contemplation est blanche, sur la page. Des histoires ne demandent qu’à naître du souffle originel. Divin parmi les dieux, Orphée est l’instigateur des cadences. Il se déhanche et provoque, à lui seul, l’essence de la mécanique du cosmos : le mouvement. L’inspiration est tout ce qu’attend la matière pour prendre vie. Sans l’élan du cœur – la volonté –, c’est dans l’immobilisme le plus déplorable que l’existence se fige, ne laissant qu’une grande toile immaculée, jardin des plénitudes, terreau du vide et de l’espace : rien pour faire danser les univers.

Par chance, il y a lui, le grand maestro chargé d’électriques extases, qui fouille, tourne et retourne chaque pierre de l’Olympe, à la recherche de fines mélodies éparpillées, pillées par le rythme. Il est ce volcan qui engrange tous les amours, les peines et les misères, celui qui laisse mijoter le magma, passion brûlant les âmes, au chaud, bouillant en son sein. L’haleine fumante, c’est le vertige du trop-plein qui piétine son esprit. Il devra trouver raison à sa folie, avant que la folie ait raison de lui. Heureusement, les miracles mystiques sont l’apanage des fous de génie, et ne sont jamais bien loin, cachés derrière les portes secrètement verrouillées : ne lui reste plus qu’à trouver les clés.

Quatre oréades urbaines lui insufflèrent sa délivrance, tournoyant dans un cliquetis de vagues dorées, embellissant ses yeux de doux regards miellés. Un éveil inopiné qui allait se muter en déferlante symphonique, en une lyre pour chacune d’entre elles. Rugissant tout ce qu’il avait de plus beau et de plus vrai, il s’étala en kilomètres sur le papier, emporté par la portée. Il accrocha noires, blanches, croches et quadruples croches, aliéné à ses muses de musique, mâchant des galaxies au passage, soufflé par l’instinct et propulsé d’instants. Les mains noircies lorsqu’il eut fini, un an l’avait vieilli, et elles, ses anges, étaient là, toujours là.

Ces cordes universelles qu’il avait tressées, parfaits filons d’émotions à émouvoir, retournèrent aux nébuleuses, fleuve d’air pur pour enfumer la nuit. C’est ainsi qu’un lundi, il s’éleva enluminé de projecteurs, déposant des caresses harmoniques sur chacune de ses fées à cordes. Le mélodiste marionnettiste bienveillant, lui-même marionnette d’un dessein plus grand, creusa des rivières dans nos psychés, et il s’apprêtait à y verser ses flots. L’assistance retint son souffle, puis vint l’avènement : le premier mouvement des corps célestes.