Poésie

Mistral, grand animal

[Frange d'aurore]

Il y a des soirs plus drabes que de fouiller le coeur de Mistral pour retrouver un poème. La nuit s'annonce furieuse quand tu tombes dans les serres de ses mots, et que l'oiseau des flammes t'emporte danser au creux du volcan. J'ai beau me rouler par terre, mais il y a juste de la braise aux alentours. J'attendrai la fin pour m'éteindre.

[Tranche d'aube]

Quelques vers plus tard, j'enfin ledit poème, mais un autre m'a aussi trouvé.

 

FIÈVRE

Qu'il est doux d'évoquer les anciennes audaces,

L'âme en broussaille et le cheveu folâtre,

Rebelle sans cause au regard épineux

Comme du chaparral farouchement sauvage,

Allant, contre le vent et la vague sage,

Fiévreux dans l'âpre bataille pour la vie,

La vitesse et le droit de ne jamais mourir.

 

— Christian Mistral

Le chant d'une saison

 

Le vent s'évanouit bruyamment dans la rangée d'arbres. Le cliquetis des feuilles renvoie au soleil sa crinière de couleur. L'automne est un loup blessé dont les jours raccourcissent.

J'anticipe le passage de mon esprit à un autre état. J'écoute le chant diatonique de la mutation vibratoire. Un troisième astre ésotérique transfigure mon front. Je fonds tranquillement dans la soupe du macrocosme.

L'égo est absent en fin de triade. C'est le corps en amour qui s'entiche de l'âme. La conscience apaisée d'une saison aux teintes ocre et carminées, le temps suspend sa course et ouvre son écrin diamanté. Un fleuve de larmes alimente le courant de l'émoi. Je découvre finalement où tout a commencé.

On tourne en rond pour le mieux et pour de bon.

La nuit effleurée

L'idée que nos lèvres s'agencent exhume une frissonnante félicité. Deux perles d'azur scintillent dans le soir écarlate, fixant impatiemment le mouvement de mes mains. J'effleure sa peau aux accents de pêche, dégage la soie qui cache jalousement ses seins. C'est le souffle coupé que nos désirs s'embrasent, que des langues de feu consument nos instincts. Un voile lunaire s'allonge sur sa joue et les soupirs rauques enfument le jardin des passions. Serpents en fusion enlacés dans le chaos, nos corps de mille étoiles se fondent en constellations. Sur une vague de plaisir on vogue en douceur, laissant soin au hasard d'écrire notre histoire. Le matin lève un drap fulminant de soleil et l'oiseau chante une comptine pour l'automne. Escaladant le mont de l'extase vers l'envoûtante éruption, nous étreignons nos corps dans la volupté suspendue. De baisers en morsures nous chevauchons nos cœurs, suavement gorgés de nos ébats en noirceur. Insatisfait du trop peu nous réquisitionnons les heures, abandonnant l'existence au passé qui se meurt.